La prévention de la maladie d’Alzheimer : une utopie ?

La survenue d’une maladie d’Alzheimer n’est pas inéluctable au cours du vieillissement. Cependant à l’heure où les essais thérapeutiques pour atténuer ou guérir ses symptômes restent désespérément négatifs, la piste d’une éventuelle prévention de cette maladie devient de plus en plus sérieuse, d’autant plus que le temps qui s’écoule entre le début des lésions cérébrales et le début des symptômes de l’ordre de 20 ans, devrait permettre d’agir pour prévenir ou retarder la maladie.

Rappelons qu’il existe de façon générale, plusieurs types de prévention :

  • la prévention primaire fait adopter des comportements pour éviter la survenue de la maladie ;
  • la prévention secondaire fait agir au début de la maladie pour éviter ou limiter son évolution ;
  • la prévention tertiaire vise à prévenir les complications de la maladie ;
  • on évoque même une prévention quaternaire, qui vise à prévenir les effets indésirables des médicaments.

Dans le cas de la maladie d’Alzheimer, la prévention peut être mise en jeu à ces trois niveaux mais la prévention primaire est la nouvelle piste prometteuse en ciblant les facteurs de risque modifiables de la maladie.

Des modèles mathématiques ont permis de démontrer, que retarder le début de la maladie d’Alzheimer de 5 ans, ferait diminuer le nombre de personnes malades par deux (il est estimé actuellement en France à environ un million de personnes).

On sait également que 40% du risque de faire une maladie d’Alzheimer serait en lien avec des facteurs de risque modifiables concernant le mode de vie et l’environnement. Ces facteurs sont actuellement au nombre de 12 : niveau éducationnel (niveau de réserve cognitive), hypertension artérielle, tabagisme, diabète, surdité, dépression, obésité, antécédent de traumatisme crânien, type d’alimentation, consommation excessive d’alcool, vie sociale pauvre et pollution atmosphérique.

Agir sur un seul facteur de risque n’a pratiquement pas d’impact sur la survenue d’une maladie d’Alzheimer (sauf pour l’activité physique), contrairement à l’impact de certains facteurs comme l’hypertension ou le diabète sur les maladies cardiovasculaires. Par contre des études ont montré récemment, qu’il pouvait être bénéfique d’agir par une approche multidomaine : ainsi l’étude FINGER en Finlande a comparé 2 groupes de 630 personnes, indemnes de déficit cognitif au départ, à qui a été proposé, pour le groupe témoin la pratique médicale habituelle, alors que l’autre groupe a participé à des ateliers d’activité physique, des ateliers sur la nutrition, une stimulation cognitive, des activités sociales et une correction des facteurs de risque vasculaires. Au bout de 2 ans, le groupe témoin a 31% de plus de troubles cognitifs majeurs que le groupe actif. Ce dernier a également amélioré certaines fonctions cognitives, a subi 20% de moins d’hospitalisations et a 60% de moins d’autres maladies chroniques. Ce résultat est donc indiscutable et mérite d’être reproduit.

Il est temps que la prévention intègre pleinement le monde sanitaire et le domaine public. Il serait souhaitable que l’information sur la possibilité de réduire le risque de la maladie d’Alzheimer bénéficie d’une vaste campagne nationale. En attendant, à chacun le libre choix de déjà modifier ses comportements… De plus vous réduirez en même temps le risque de maladies cardiovasculaires et de cancers.

Dr Denise Strubel